Michon, Pierre
Il importe peu que le Gévaudan et l’Irlande soient les scènes où se jouent ces drames brefs. Ce qui importe, c’est qu’avec le monde on fasse des pays et des langues, avec le chaos du sens, avec les prés des champs de batailles, avec nos actes des légendes et cette forme sophistiquée de la légende qu’est l’histoire, avec les noms communs du nom propre. Que les choses de l’été, l’amour, la foi et l’ardeur, gèlent pour finir dans l’hiver impeccable des livres. Et que pourtant dans cette glace un peu de vie reste prise, fraîche, garante de notre existence et de notre liberté. Ce peu de vérité mortelle qui brûle dans le cœur froid de l’écrit, la beauté chétive de l’une et la splendeur impassible de l’autre, voilà ce que je me suis efforcé de dire ici.